Les bébés développent une énergie sans commune mesure avec la nôtre. Face à ces vies en expansion nous faisons figure de vieux vivants. Même dans leurs pires débordements les jeunes adultes veillent à l’économie de leurs forces. Les bébés, non. Énergie prédatrice à l’état pur, ils se nourrissent sans vergogne sur la bête. […]
Mais ce regard !
A quelle divinité muette appartient-il le regard que les nouveaux-nés posent sur vous sans ciller ? Sur quoi ouvrent-ils, ces yeux à la pupille si noire, à l’iris si fixe ? […]
Sur tous les questionnements à venir. Sur l’insatiable appétit de comprendre.
Après la dévoration de leur corps, les jeunes parents redoutent celle de leur esprit. Leur fatigue prend sa source dans la certitude que ça n’en finira pas. […]
La ruse suprême de cette toute-puissance consiste à se faire passer pour le comble de la fragilité.
Journal d’un corps / Daniel Pennac