Ne touche pas !
L’odieuse injonction qui retentit cent fois par jour aux oreilles de l’enfant fait de lui un aveugle, un chien sans flair, errant tristement dans un monde où tout est enfermé dans des vitrines. […]
Les compensations qu’on lui offre sont rares et maigres. […] Il ne lui reste que la pâte à modeler, le pâté de sable, dans les meilleurs moments au bord de la mer la vase liquide où le pied nu patauge et qui rejaillit en amusants tortillons entre ses orteils.
Notre société hygiénique et puritaine se montre de moins en moins favorable à la connaissance et aux satisfactions tactiles. Toucher avec ses yeux. L’absurde conseil qui brisait nos élans enfantins est devenu un impératif universel, tyrannique. Les lieux de contact érotiques sont interdits ou infestés de surveillance. En même temps se développe une inflation galopante d’images. Le magazine, le film, la télévision gavent l’œil et réduisent le reste de l’homme au néant.
L’homme d’aujourd’hui se promène muselé et manchot dans un palais de mirages.
Clés et serrures, 25-26 / Michel Tournier
© Le sens du toucher / José de Ribera / 1630
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