Les rues de cette ville n’ont pas de nom. Il y a bien une adresse écrite, mais elle n’a qu’une valeur postale, elle se réfère à un cadastre […], dont la connaissance est accessible au facteur, non au visiteur : la plus grande ville du monde est pratiquement inclassée, les espaces qui la composent en détail sont innomés. Cette oblitération domiciliaire paraît incommode à ceux (comme nous) qui ont été habitués à décréter que le plus pratique est toujours le plus rationnel […].
Tokyo nous redit cependant que le rationnel n’est qu’un système parmi d’autres. Pour qu’il y ait maîtrise du réel (en l’occurrence celui des adresses), il suffit qu’il y ait système, ce système fût-il apparemment illogique, inutilement compliqué, curieusement disparate […].
L’empire des signes / Roland Barthes
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