Si le comédien était sensible, de bonne foi lui serait-il permis de jouer deux fois de suite un même rôle avec la même chaleur et le même succès ? […] Les grands poètes, les grands acteurs, et peut-être en général tous les grands imitateurs de la nature, quels qu’ils soient, doués d’une belle imagination, d’un grand jugement, d’un tact fin, d’un goût très sûr, sont les êtres les moins sensibles. […] Ils sont trop occupés à regarder, à reconnaître et à imiter, pour être vivement affectés au-dedans d’eux-mêmes. […]
J’insiste donc, et je dis : C’est l’extrême sensibilité qui fait les acteurs médiocres ; c’est la sensibilité médiocre qui fait la multitude des mauvais acteurs ; et c’est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes.
Le paradoxe sur le comédien / Denis Diderot
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