– Monsieur, l’art pour l’art n’est pas un de mes vices. En assassinant les chefs d’État, en harcelant la police, en effrayant les gouvernements, nous poursuivons un but fort pratique et très précis : nous voulons forcer les dirigeants à devenir de plus en plus bêtement cruels dans leur défense de l’ordre. Ils finiront ainsi par supprimer les libertés illusoires dont ils peuvent actuellement s’offrir le luxe ; lorsque l’existence des masses de plus en plus opprimées deviendra intolérable, ce qui ne saurait tarder, elles se dresseront enfin dans la révolte contre tout le système capitaliste. Notre but est de forcer le pouvoir à resserrer son étau au point de provoquer lui-même le sursaut populaire qui le balaiera. […] A chaque acte de terreur que nous commettrons répondra une terreur encore plus grande et encore plus aveugle. Alors, quand il ne lui restera plus une once de liberté, le peuple tout entier se joindra à nous.
Glendale avait l’air peiné.
– Vous avez une bien piètre idée du peuple, Monsieur, remarqua-t-il. Personnellement […], j’ai une conception infiniment plus élevée des masses populaires. On ne les mène pas à la révolte comme du bétail, en les piquant au fer rouge.
Lady L. / Romain Gary
Votre commentaire