Nouvelle vue du je-t-aime.
Ce n’est pas un symptôme, c’est une action. Je prononce, pour que tu répondes, et la forme scrupuleuse de la réponse prendra une valeur effective, à la façon d’une formule. Il n’est donc pas suffisant que l’autre me réponde d’un simple signifié, fût-il positif (« moi aussi ») ; il faut que le sujet interpellé assume de formuler, de proférer le je-t-aime que je lui tends […].
[Cela] part de la nécessité, pour le sujet amoureux, non pas seulement d’être aimé en retour, de le savoir, d’en être bien sûr, etc., mais de se l’entendre dire, sous la forme aussi affirmative, aussi complète, aussi articulée, que la sienne propre ; ce que je veux, c’est recevoir de plein fouet, entièrement, littéralement, sans fuite, la formule, l’archétype du mot d’amour : point d’échappatoire syntaxique, point de variation […] ; ce qui importe, c’est la profération physique corporelle, labiale, du mot : ouvre tes lèvres et que cela en sorte.
Ce que je veux, éperdument, c’est obtenir le mot. Magique, mythique ? La Bête – retenue enchantée dans sa laideur – aime la Belle ; la Belle, évidemment, n’aime pas la Bête, mais, à la fin, vaincue, elle lui dit le mot magique : « Je vous aime, la Bête », et aussitôt, à travers la déchirure somptueuse d’un trait de harpe, un sujet nouveau apparaît.
Fragments d’un discours amoureux / Roland Barthes
Merci de cette mise en bouche, je vais donc me procurer le dit plat de résistance : le pavé 😉
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Oh oui, ça en vaut la peine…
Je n’en saisis pas encore toute la substance, sans que cela m’empêche déjà d’en apprécier quelques saveurs…
En bonne position pour supplanter mon livre de chevet 🙂
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