Il n’y a pas si longtemps, il lui suffisait de se taper des popcorn devant un bon film pour être content. La vie se justifiait toute seule alors, dans son recommencement même. Il se levait le matin, allait au bahut, il y a avait le rythme des cours, les copains, tout s’enchaînait avec une déconcertante facilité, la détresse maximale advenant quand tombait une interro surprise. Et puis maintenant, ça, ce sentiment de boue, cette prison des jours.
S’il se souvenait bien, la première fièvre l’avait pris pendant un cours de bio. La prof articulait des mots extraterrestres, du genre monozygotes ou scissiparité, et tout à coup, il s’était dit qu’il ne pouvait plus. […] Cette énergie incessante qui lui brûlait la peau. IL ne pouvait plus, c’est tout. Il avait cherché la pendule sur le mur. Il restait encore une bonne demi-heure de cours et cette demi-heure, soudain, avait pris une amplitude océanique. Alors, il avait tout foutu en l’air, trousse, livres, cahiers, même le tabouret.
Dans le bureau du dirlo, ça ne s’était pas si mal passé. M. Villemenot n’ignorait rien du fonctionnement de ces mômes enfermés à longueur d’année, en proie à leurs hormones, cornaqués pour obtenir de vains brevets qui les destinaient à des formations plus ou moins prestigieuses, mais qui toutes agissaient comme autant de laminoirs d’où l’on sortait accompli ou bien brisé, c’est-à-dire disponible.
Leurs enfants après eux / Nicolas Mathieu
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