Le vice qui nous rendra comiques est celui qu’on nous apporte du dehors comme un cadre tout fait où nous nous insérerons.Il nous impose sa raideur, au lieu de nous emprunter notre souplesse. Nous ne le compliquons pas : c’est lui, au contraire, qui nous simplifie. Là paraît précisément résider la différence essentielle entre la comédie et le drame. Un drame, même quand il nous peint des passions ou des vices qui portent un nom, les incorpore si bien au personnage que […] que nous ne pensons plus du tout à eux, mais à la personne qui les absorbe ; c ‘est pourquoi le titre d’un drame ne peut guère être qu’un nom propre.
Au contraire, beaucoup de comédies portent un nom commun : L’Avare, Le Joueur, etc. […] C’est que le vice comique a beau s’unir aussi intimement qu’on voudra aux personnes, il n’en conserve pas moins son existence indépendante et simple ; il reste le personnage central, invisible et présent, auquel les personnages de chair et d’os sont suspendus sur la scène. […] Il jouera d’eux comme d’un instrument ou les manœuvrera comme des pantins.
Le rire / Henri Bergson
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